En 1999, quelques oracles d’opérette nous ont prédit bien des catastrophes, en glissant de façon malhabile sur la planche savonneuse d’un apocalypse millénariste. La réalité n’a pas été à la hauteur de leurs prédictions affolées. En revanche, la galaxie cyber aura vécu une période bien agitée, avec un foisonnement de ces drôles d’insectes appelés virus.
Les virus sont de vilains logiciels parasites qui infectent les ordinateurs de façon insidieuse. Leur spectre d’activité va de la sale blague de potache jusqu’à la mise hors service d’un ordinateur. Mais ils sont invisibles. Insoupçonnables. Jusqu’à ce que l’on fasse appel au diagnostic d’un anti-virus, on peut souvent ignorer qu’un PC ou un Mac est infecté. Aux Etats-Unis, l’ICSA a enquêté auprès de 300 entreprises et découvert, ô stupeur que 99,33 % avaient connu une attaque virale !
Tout a commencé par un jeu imaginé par un ingénieur, A.K. Dewdney et décrit dans un article de Pour la Science, dans les années 60. Loin d’imaginer les conséquences de son imaginaire, Dewdney décrivait une application ludique inspirée de l’univers des gladiateurs (Core War) : deux programmes se combattait, chacun infectant l’autre jusqu’à ce qu’il « plante ».
Dans les années 80, certains mirent en pratique le concept de Dewdney dans le monde réel. Deux pakistanais, les frères Alvi, vendaient aux touristes américains des copies de logiciels à bas prix. Par ce biais, le virus Brain devint un habitué des campus universitaires et sonna la première alarme.
Fin 1998, IBM fut touchée par le syndrome. A Noël, chaque membre de la compagnie reçut un message accompagné d’un programme appelé CHRISTMAS. S’il le lançait, ce dernier effaçait aussitôt le contenu de son disque dur.
Au début des années 90, le Pentagone employa cette arme pour déstabiliser l’ennemi. Peu avant qu’éclate la guerre du Koweit, un virus fut lâché en Irak, provoquant de sérieux dégâts dans les systèmes informatiques.
Le phénomène des virus est devenu médiatique au début de l’année 1992 avec le spectre de Michelangelo, qui entrait en vigueur le 6 mars, date d’anniversaire du maître italien. 15 millions d’ordinateurs étaient menacés par cet intrus. Au final, ils ne furent que 200.000 – les éditeurs d’anti-virus avaient multiplié les protections.
Le phénomène a toutefois pris un coup d’accélérateur avec Internet. Depuis 1998, l’Email est devenu le plus grand vecteur de diffusion de virus. Une faille dans le logiciel de messagerie Outlook de Microsoft est en partie responsable d’une telle prolifération. Les événements à la mode (affaire Lewinski, etc.) sont souvent utilisés comme appâts. Ainsi, en juin 1988, certains ont pu recevoir un message intitulé « Vive la Coupe du Monde 98 ! ». S’ensuivait l’affichage d’une fenêtre demandant à l’utilisateur de choisir l’équipe susceptible de remporter le championnat. Si la réponse lui déplaisait, le virus pouvait lancer une « bombe à retardement » provoquant l’effacement de fichiers vitaux !
Au début de la présente année, un nombre considérable d’internautes ont reçu le message de bonne année HAPPY99. Bien qu’inoffensif, ce virus se propageait comme une traînée de poudre – chaque récepteur le relayait malgré lui à un autre correspondant.
Fin mars, est apparu un virus plus coquin, planqué dans un message proposant une liste de sites pornographiques. Melissa scrutait le carnet d’adresses de l’utilisateur et se réexpédiait à 50 correspondants. Ceux-ci, croyant qu’il provenait d’un ami, l’ouvraient et le renvoyaient à leur tour, provoquant une réaction en chaîne. En une semaine, 6 millions d’ordinateurs furent infectés.
La justice s’est montrée d’une sévérité d’airain envers le créateur de Melissa. Une fois arrêté, David Smith encourait une peine de prison allant jusqu’à 40 ans et une amende de 480.000 dollars. Pourtant, Melissa n’a créé aucun dégât réel, juste une augmentation notoire du trafic sur Internet.
CIH, également appelé Tchernobyl a volé la vedette à Melissa avec des conséquences plus dévastatrices. Plus d’un million de PC ont été infestés et un peu partout dans le monde : 300.000 en Turquie, y compris au département de la police et à la télévision publique, 240.000 en Corée dont ceux d’organismes gouvernementaux, 100.000 en Chine… En Malaisie, les transactions boursières ont été touchées, en Ukraine, 20% des PC auraient été attaqués… Aux USA, IBM même a dû reconnaître avoir livré des ordinateurs Aptiva avec un CD-ROM infecté par CIH. Et la démo d’un jeu, Sin, portait une souche de CIH. De manière étonnante, l’auteur de ce virus, Chen Ing-Hau n’a pas été inquiété par la justice de son pays, Taiwan. C’est tout juste s’il a reçu un blâme de l’Institut de Technologie où il poursuivait ses études.
CIH a été suivi par d’autres émules tels que Pretty Park ou Worm.Explore.Zip qui se propage à son tour par courrier électronique.
Quelle peut être la motivation de ceux qui écrivent ces satanés programmes ? Le 9 juillet 1999, lors d’un grand rassemblement à Las Vegas, certains pirates se sont exprimés publiquement, allant jusqu’à arguer que leur œuvre pouvait être salutaire. Selon un dénommé Mudge, certains virus ont eu pour mérite de mettre en évidence les faiblesses des logiciels de Microsoft, contraignant ainsi les utilisateurs à mieux protéger leurs PC. Mudge voudrait d’ailleurs que les éditeurs soient tenus responsables de telles défaillance, tout comme un constructeur automobile peut être traîné en justice si les freins ne fonctionnent pas comme prévu.
Quoiqu’il en soit, afin de ne pas donner raison aux oiseaux de mauvais augure qui aimeraient nous gâcher la ligne droite du 20ème siècle, pensez à protéger vos PC et Macintosh à l’aide d’un anti-virus.
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